Moncef Marzouki ou la désacralisation de l’État

22 septembre 2014

Moncef Marzouki ou la désacralisation de l’État

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La course au palais de Carthage est d’ores et déjà lancée. Le président provisoire Moncef Marzouki doit aligner une nouvelle stratégie de communication s’il ne veut pas s’attirer les foudres des électeurs.

Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces, mais Moncef Marzouki a encore une fois raté la mise. Le pensionnaire du palais de Carthage a entamé la campagne pour les élections présidentielles en usurpant le slogan «On gagne ou on gagne» de l’ancien président ivoirien Lauren Gbagbo, actuellement incarcéré à la Haye par la Cour pénale Internationale.

Ce slogan annonce la couleur d’un Moncef Marzouki qui trouve que malgré les déboires ayant jalonnés son mandat de trois ans au pouvoir son bilan positif pour se maintenir vaille que vaille au palais présidentiel. Pour trouver la trace de ses multiples déroutes il faut simplement remonter à la date de son élection au poste de président de la République.

Contradiction 

Depuis le soulèvement populaire qui a évincé Ben Ali en 2011, les déclarations de Moncef Marzouki se suivent mais ne se ressemblent point. En décembre 2011, visant la présidence de la République postrévolutionnaire, il a prétendu, en cas de son élection, ne pas résider au palais de Carthage. «Elu président, je ne résiderai pas au palais de Carthage» a-t-il confié à Al Jazeera. Une fois président, il a révélé lors de la cérémonie d’investiture que «Tous les palais présidentiels seront vendus aux enchères publiques à l’exception du palais présidentiel de Carthage».

Interrogé sur la situation en Tunisie, Moncef Marzouki a appelé le peuple à «comprendre que le gouvernement a besoin de deux ou trois ans pour fonder des bases solides pour une renaissance économique du pays». Suite aux protestations de l’opposition, il a revu ses estimations à la baisse pour indiquer que «nous sommes dans un Etat démocratique et les élections auront lieu dans un an».

Présent durant les travaux de la 29 ème réunion du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur, l’ancien militant des droits de l’homme a affirmé que «le peuple passe avant l’Etat qui demeure au-dessus de l’ordre et l’ordre doit à son tour être respecté par tous les individus». Un mois plus tard, il a averti, ceux qu’il considère «des laïcs extrémistes», que «la légitimité des pouvoirs en Tunisie est une ligne rouge à ne pas franchir» tout en précisant que «la contestation du pouvoir en place ne relève pas du droit d’expression».

Puis, l’éloge fait à l’Etat a cédé la place aux accusations. Dans l’affaire Lotfi Naggedh, assassiné le 18 octobre 2012, le président provisoire a pointé du doigt les partisans de la Troïka qu’il avait désigné «coupables de l’assassinat».  Ensuite, il s’est dit responsable, «lui et tous les appareil de l’Etat», du décès de deux salafistes à la suite d’une longue grève de la faim avant d’émettre que «le gouvernement n’a pas été à la hauteur et la mise en place d’un gouvernement restreint, constitué de compétences et non des appartenances partisanes, est nécessaire».

Les déclarations contradictoires du président provisoire se poursuivent. Un mois presque jour pour jour après avoir affirmé que «la Tunisie est un pays souverain, aucun pays ne pourra intervenir dans ses affaires», Moncef Marzouki a renoncé à ses convictions. «De quelle indépendance parlons-nous au vu de la pauvreté et de la dépendance du pays à l’égard de l’étranger» a-t-il proféré durant la fête de l’indépendance. Face aux indignations de l’ingérence du Qatar en Tunisie, il a insisté que «nous sommes très attachés à notre indépendance complète et à l’indépendance des décideurs politiques de la Tunisie».

Incompétence

«Ne faites pas confiance à l’Etat, soyez contre l’Etat, l’Etat peut tomber dans des mains indignes de confiance» annonçait Moncef Marzouki lors de son allocution à l’ouverture de la journée nationale contre la torture. Deux jours après, pour inciter les tunisiens à participer à l’emprunt national obligataire, le président provisoire fait volte-face : «c’est fini la période où l’Etat était corrompu, maintenant l’Etat Tunisien est un Etat patriotique, Il vous appartient. Tous les citoyens sont amenés à aider l’Etat en cette période critique» a-t-il clarifié.

Cerise sur le gâteau, lors d’une interview accordée à la chaîne qatarie Al Jazeera, le président provisoire Moncef Marzouki avait menacé ses opposants politiques, en cas de tentative de renversement du pouvoir en place, que des «échafauds de pendaison» pourraient leur être dressés. Quelques semaines après, il fait profil bas et infirme avoir dit des propos pareils.

Outre ses déclarations divergentes, Moncef Marzouki n’en finit pas de briller pas ses visions fatalistes voire parfois ridicules. «Si la machine économique tardait à reprendre, le pays irait droit vers le suicide collectif», «le palais de Carthage sera totalement ensablé dans une vingtaine d’années», «la zone militaire au Mont Châambi cédera la place à un parc d’attraction», «l’opposition mange chez moi et m’insulte»… Et le Livre Noir ont fait couler beaucoup d’encre.

Chez moi, c’est «le règne des compétences», le président provisoire en parle mais des paroles aux actes, long est le chemin.

 

Meher Hajbi

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